Le point complet sur l’activité partielle / chômage partiel
Dans quelles circonstances le dispositif de l’activité partielle peut-il être mis en place ?
L’activité partielle peut être utilisée en cas de réduction ou de supression d’activité en raison de toute circonstance de caractère exceptionnel (C.Trav., art. R. 5122-1).
La crise que traversent les entreprises à l’occasion du coronavirus répond bien à cette définition, le Gouvernement entendant adapter le dispositif actuel d’activité partielle en cette période exceptionnelle.
Les principales conditions sont :
- La réduction ou la cessation d’activité doit être temporaire et collective : il s’agira ici de pouvoir démontrer cette baisse ou cessation d’activité ;
- Cette réduction doit donc concerner tout un établissement ou une partie de celui-ci : unité de production, atelier, service, équipe chargée de la réalisation d’un projet, notamment en matière de prestations intellectuelles ;
- La réduction collective de l’horaire de travail peut toutefois être appliquée individuellement et par roulement par unité de production. La mise en activité partielle ne peut pas concerner un seul salarié de l’établissement, sauf si l’établissement ne compte qu’un seul salarié.
La mise en activité partielle ne suspend le contrat de travail que pendant les heures chômées.
Évidemment, les salariés ne peuvent pas travailler pendant les heures chômées !
Dans le cadre de la crise actuelle liée au coronavirus, le Gouvernement a annoncé une révision du dispositif d’activité partielle. Dans les prochains jours un nouveau décret devrait intervenir pour élargir le dispositif d’activité partielle, afin notamment de couvrir 100% des indemnisations versées aux salariés par les entreprises, dans la limite de 4,5 SMIC.
Il convient de rester prudent dans l’attente du décret puis de la réalité de l’appréciation qui en sera faite par l’administration : selon les déclarations du Gouvernement, 8,5 milliards d’euros seraient prévus au titre des mesures économiques pour compenser le chômage partiel des salariés pour faire face à l’épidémie. En prenant une rémunération brute moyenne de 13 € par heure, avec une prise en charge à 100 % et non 70 %, cela représenterait environ un mois de chômage partiel pour un peu plus de 4 millions de salariés. En fonction de la durée du « cantonnement » et des difficultés rencontrées par les entreprises, on peut imaginer que l’administration retienne progressivement une interprétation plus stricte avant d’accorder son autorisation.
Quelles conséquences financières pour mon entreprise ?
- L’entreprise maintient 70% de la rémunération brute du salarié ;
- A ce jour, le dispositif en vigueur prévoit l’indemnisation suivante versée par l’Agence de services et de paiement (ASP)
- 7,74€ par heure chômée pour les sociétés de un à 250 salariés ;
- 7,23 € par heure indemnisée pour les société de plus de 250 salariés.
- Il reste donc à la charge de l’entreprise, pour chaque heure d’activité partielle, la différence entre 70% du taux horaire brut et 7,74 € ou 7,23€
NB : Aux termes du décret annoncé, l’Employeur serait indemnisé à 100% sur les sommes versées, c’est-à-dire sur 70% de la rémunération brute maintenue au salarié, dans la limite de 4,5 fois le SMIC avec un montant minimum de 8,03 par heures chômée.
Cette indemnité sera calculée sur la base des heures effectuées au cours du mois concerné, dans la limite de 1000 heures/an et par salarié. Elle sera exonérée de toutes charges sociales salariales et patronales à l’exception de la CSG/CRDS à un taux de 6,70%.
Quel est l’impact pour les salariés ?
- Le salarié reçoit une indemnité horaire, versée par son employeur, égale à 70% de son salaire brut horaire (environ 84 % du salaire net horaire), sans retenues salariales hormis la CSG/CRDS (le Prélèvement à la Source est quant à lui maintenu) ;
- Le salarié conservera les droits acquis à congés payés et les droits à la retraite ;
- Salarié au SMIC attention : si après versement de l’indemnité d’activité partielle la rémunération d’un salarié est inférieure à la rémunération mensuelle minimale, l’employeur est dans l’obligation de lui verser une allocation complémentaire qui est égale à la différence entre la rémunération mensuelle minimale (ou SMIC net) et la somme initialement perçue par le salarié.
- Pour les apprentis: l’allocation spécifique est plafonnée à leur salaire net habituel.
- Salarié revelant de certaines convention collective (exemple Bureaux d’études techniques) : ces conventions prévoient un maintient à 100 dans le cadre de l’activité partielle : Il faut donc dans un premier temps consulter sa convention collective !
A quelle date sera versée l’allocation d’activité partielle ?
La mise en activité partielle suspend l’exécution du contrat de travail. Elle ouvre droit non au paiement d’un salaire mais à l’allocation spécifique d’« activité partielle ».
L’allocation d’activité partielle devra être versée aux salariés à la date normale de paie par l’employeur. : ce dernier se faisant rembourser plus tard. Il faut donc bien avancer les fonds.
A l’occasion du paiement de l’allocation d’activité partielle, un document indiquant le nombre des heures indemnisées, les taux appliqués et les sommes versées au titre de la période considérée est remis au salarié. Ce document peut se présenter comme un document particulier ou sous la forme d’une mention portée sur le bulletin de paie.
Quel est le régime fiscal et social de l’allocation d’activité partielle ?
Les indemnités d’activité partielle sont assujetties à la CSG et à la CRDS uniquement, pas de charges sociales.
Sur le plan fiscal, les indemnités d’activité partielle (ainsi que la garantie de rémunération minimale) sont :
- exonérées des taxes et participations assises sur les salaires ;
- soumises à l’impôt sur le revenu et au prélèvement à la source.
En pratique, quelles démarches à accomplir ?
Si vous n’avez pas mandaté ORIAL pour accomplir les démarches, vous aurez à suivre la procédure suivante :
Etape 1 : Créer son compte en ligne : https://activitepartielle.emploi.gouv.fr/aparts/
Etape 2 : Créer son dossier sous 48h (ATTENTION : les délais sont fortement rallongés compte tenu de l’affluence record de ces derniers jours) – réception de l’identifiant et mot de passe.
Se connecter sur le site : https://activitepartielle.emploi.gouv.fr/aparts/ pour créer son dossier.
Etape 3 : Envoyer votre dossier à la DIRECCTE via emploi.gouv.fr :
- Renseignez le nombre de salariés susceptibles d’être concernés par la procédure d’activité partielle.
- Indiquez le nombre d’heures d’activité partielle pour chaque salarié (pour rappel un maximum de 1000 h/an et par salarié est fixé).
Etape 4 : Réception de la réponse de la DIRECCTE en principe sous 48h.
Initialement, le délai légal est de 15 jours calendaires. Le gouvernement a indiqué vouloir le réduire à 48 heures. En pratique, devant l’afflux massif de demandes, il est fortement augmenté et variable selon les DIRECCTE.
Etape 5 : Renseigner mensuellement les relevés de temps. Après validation de la DIRECCTE, il faudra renseigner mensuellement sur le site https://activitepartielle.emploi.gouv.fr/aparts/ les relevés de temps pour chacun des salariés concernés par l’activité partielle.
Quid du CSE ?
Entreprises dotées d’un CSE et défaut de consultation
- L’employeur qui ne respecte pas les formalités de consultation des représentants du personnel se rend coupable du délit d’entrave (amende 7 500 €)
- Demande d’autorisation d’accès au chômage partiel envoyée AVANT la publication du décret à venir (applicable le jour de sa publication au JO) : la demande sera incomplète et donc il existe un fort risque de refus par l’administration.
- Demande d’autorisation d’accès au chômage partiel APRES la publication du décret : l’employeur n’aura pas à consulter obligatoirement le CSE avant cette demande mais devra justifier de sa démarche auprès du CSE pour régulariser
- Demande d’accès AVANT ou APRES la publication du décret d’une entreprise n’ayant pas de CSE alors que son effectif lui impose et l’absence de PV de carence : dans ce cas, la demande d’activité partielle ne devrait pas être acceptée. Et ce encore plus au regard des nombreuses demandes assaillant les DIRECCTE. En outre l’employeur encourt la première sanction mentionnée ci-dessus.
Pour des cas particuliers, que dois-je faire ?
Attention informations donnée en tenant compte du futur décret à intervenir : en attente de précisions, les informations ci-dessous sont susceptibles d’être modifiées
- Activité partielle et bénéficiaires du dispositif
Seuls les salariés titulaire d’un contrat de travail bénéficient du dispositif. Sont donc exclus, les indépendants, les mandataires sociaux, les stagiaires.
Tous les salariés de l’entreprise peuvent être concernés par une mesure d’activité partielle quelle que soit la nature du contrat (CDI, CDD, saisonnier, contrat d’apprentissage, contrat de professionnalisation).
Le salarié intérimaire bénéficie de l’activité partielle dès lors que l’établissement dans lequel il effectue sa mission a lui-même placé ses propres salariés en activité partielle. En revanche, ce n’est pas le cas si l’intérimaire entame ses missions alors que l’établissement recourt déjà à l’activité partielle. Concrètement, si le contrat s’interrompt avant la fin de la période d’activité partielle, l’intérimaire en bénéficie seulement le temps du contrat. Son éventuel renouvellement ne donne pas droit au bénéfice de l’activité partielle.
- Activité partielle et salarié en forfait annuel en jours ou heures
En l’état, en application de l’article R. 5122-8 du Code du travail, les salariés bénéficiant d’une convention de forfait heures ou en jours ne peuvent pas bénéficier de l’indemnité d’activité partielle s’il s’agit d’une réduction de l’horaire de travail habituellement pratiqué dans l’établissement. Ils peuvent en bénéficier seulement en cas de fermeture totale de l’établissement, le service, l’équipe projet ou l’unité de production dont ils relèvent (dès la 1ère demi-journée d’inactivité)
ATTENTION ! La loi d’urgence du 24 mars 2020 prévoit d’ouvrir l’activité partielle au salarié en forfait en heures ou en jours, y compris lorsqu’il n’y a pas de fermeture totale de l’établissement mais seulement une réduction de l’horaire habituel. Attention, nous ignorons à cette heure comment sera calculée l’indemnité d’activité partielle des salariés en forfaits jours (pour lesquels la durée de travail n’est pas décomptée en heures, mais en jours). Une ordonnance àvenir en précisera les modalités
- Activité partielle et nouvelle embauche
Les Autorités souhaitent que les emplois soient préservés au maximum. Donc un salarié qui a signé un contrat de travail, dont l’embauche est prévue durant la période de confinement ou d’activité partielle, devrait selon nous faire partie de l’effectif en activité partielle.
Quelles précautions à prendre ?
La révision du dispositif de l’activité partielle en cette période exceptionnelle aux termes du décret annoncé par le Gouvernement a pour but premier de prévenir au maximum les défaillances des entreprises et les licenciements des salariés.
Pour autant, pour pouvoir bénéficier de ce dispositif, les entreprises devront être en mesure de justifier la mise en place préalable (ou à tout le moins la recherche) de mesures alternatives pour maintenir leur activité ou éviter le chômage partiel, telles que notamment la mise en place en priorité du télétravail chaque fois que cela est possible.
Quelles sont les mesures à venir ?
La loi « d’urgence » visant à permettre aux entreprises de faire face aux bouleversements économiques et sociaux engendrés par la crise sanitaire a été publiée au Journal officiel du 24 mars 2020.
La loi habilite le gouvernement à légiférer par ordonnance pour faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid‑19, notamment afin de prévenir et limiter les cessations d’activité des personnes physiques et ses incidences sur l’emploi.
À ce stade, la loi ne donne que les grandes orientations des mesures provisoires à venir : elles seront détaillées dans les ordonnances qui porteront les mesures concrètes, et les éventuels décrets complémentaires (et notamment le décret attendu sur l’activité partielle).
La loi prévoit que les textes seront pris au plus tard dans les 3 mois suivant la publication de la loi (donc d’ici la fin juin au plus tard) : cependant, les premières ordonnances devraient être publiées très rapidement vu l’urgence à agir.
Pour les entreprises et les salariés du secteur privé et les associations, la loi envisage, toute une série de mesures visant à adapter ou déroger à de nombreuses règles de droit du travail, et à aménager plusieurs règles du droit de la sécurité sociale. Elles pourront entrer en vigueur, si nécessaire, de manière rétroactive, à compter du 12 mars 2020.
Seules les principales mesures sociales sont visées ci-dessous :
Activité partielle (ex chômage partiel) pour limiter les licenciements :
- Dispositif accessible à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille,
- Nouveaux bénéficiaires: travailleurs à domicile, assistantes maternelles, salariés en forfait en jours ou en heures sur l’année y compris en cas de réduction de l’horaire collectif (et pas seulement en cas de fermeture),
- Meilleure protection des salariés à temps partiel : auront droit au mécanisme de la rémunération mensuelle minimale et à l’allocation complémentaire à laquelle elle donne droit (objectif : leur garantir le SMIC net rapporté à leur contractuelle durée du travail),
- Adaptation du régime social des indemnités d’activité partielle en vue de simplifier la mise en œuvre du dispositif (1),
- Réduction du reste à charge versé par l’employeur (décret à venir),
- Réduction de la perte de revenus pour les indépendants,
- Faciliter la mise en place de formations pendant la baisse d’activité pour préparer la reprise ou adapter la mise en œuvre de ce dispositif.
Congés payés et RTT :
- Via un accord d’entreprise ou de branche, autoriser l’employeur à imposer la prise de congés payés ou à modifier les dates de prise des congés payés, dans la limite de 6 jours ouvrables.
- Possibilité pour l’employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement (donc sans accord d’entreprise) les dates des jours de réduction du temps de travail (RTT), des jours de repos des salariés en convention de forfait et des jours de repos affectés sur le compte épargne temps (CET).
Durée du travail et repos :
- Permettre aux entreprises des secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la nation ou à la continuité de la vie économique et sociale de déroger aux règles d’ordre public et aux règles conventionnelles sur la durée du travail, le repos hebdomadaire et le repos dominical (secteurs de l’alimentation ou de la production de matériel médical).
- Dérogations à fixer par des arrêtés adaptés à chaque situation sectorielle, en restant dans les limites de durée du travail fixées par le droit européen.
Épargne salariale et prime exceptionnelle de pouvoir d’achat :
- Modification, à titre exceptionnel, des dates limites et des modalités de versement de l’intéressement et de la participation.
- Modification de la date limite et des conditions de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA). La condition de mise en place d’un accord d’intéressement pourrait être levée ou assouplie et la date limite du 30 juin 2020 repoussée.
Santé au travail :
- Aménagement des modalités d’exercice des missions des services de santé au travail, notamment du suivi de l’état de santé des salariés.
- Fixer les règles de suivi de l’état de santé des salariés qui n’ont pas pu bénéficier du suivi habituel, en raison de l’épidémie (une instruction de la DGT du 17 mars 2020 prévoit la possibilité pour le médecin du travail de reporter toutes les visites médicales, sauf si elles sont indispensables).
Arrêt maladie :
- Suppression du délai de carence de versement des IJSS pour tous les arrêts de travail durant la période d’état d’urgence sanitaire.
- Modification des conditions et modalités d’attribution de l’indemnité maladie complémentaire de l’employeur, pour élargir le champ des salariés éligibles. Par exemple, supprimer l’obligation de fournir dans les 48 h un certificat médical attestant de l’incapacité pour les parents contraints de garder leurs enfants à domicile.
Comité social et économique (CSE):
- Suspension des processus électoraux en cours. Il s’agirait d’une faculté ouverte à l’employeur, et non d’une interdiction d’organiser les élections.
- Modification des modalités d’information et de consultation, pour permettre aux élus de rendre les avis requis dans les délais impartis. Il s’agirait de faciliter le recours à la visioconférence pour la consultation du CSE, en levant la limite de 3 réunions par an.
Procédures collectives :
- Modification du droit des procédures collectives et des entreprises en difficulté afin de prendre en compte les conséquences de la crise sanitaire pour les entreprises.
Assistantes maternelles :
- Pour répondre aux fermetures de crèches, extension à titre exceptionnel et temporaire du nombre d’enfants pouvant être accueillis simultanément (jusqu’à 6 enfants selon l’exposé des motifs).
Loi 2020-290 du 23 mars 2020, JO du 24 mars