La loi d’urgence est publiée
La loi « d’urgence » visant à permettre aux entreprises de faire face aux bouleversements économiques et sociaux engendrés par la crise sanitaire a été publiée au Journal officiel du 24 mars 2020.
Des ordonnances à venir
La loi habilite le gouvernement à légiférer par ordonnances pour faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid‑19, notamment afin de prévenir et limiter les cessations d’activité des personnes physiques et ses incidences sur l’emploi (loi, art. 11).
À ce stade, la loi ne donne que les grandes orientations des mesures provisoires à venir : elles seront détaillées dans les ordonnances qui porteront les mesures concrètes, et les éventuels décrets complémentaires (et notamment le décret attendu sur l’activité partielle).
La loi prévoit que les textes seront pris au plus tard dans les 3 mois suivant la publication de la loi (donc d’ici la fin juin au plus tard) : cependant, les premières ordonnances devraient être publiées très rapidement (dans la semaine ?) vu l’urgence à agir.
Adaptations au droit du travail et de la sécurité sociale envisagées
Pour les entreprises et les salariés du secteur privé et les associations, la loi envisage, toute une série de mesures visant à adapter ou déroger à de nombreuses règles de droit du travail, et à aménager plusieurs règles du droit de la sécurité sociale. Elles pourront entrer en vigueur, si nécessaire, de manière rétroactive, à compter du 12 mars 2020.
Seules les principales mesures sociales sont visées ci-dessous :
Activité partielle (ex chômage partiel) pour limiter les licenciements :
- Dispositif accessible à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille,
- Nouveaux bénéficiaires: travailleurs à domicile, assistantes maternelles, salariés en forfait en jours ou en heures sur l’année y compris en cas de réduction de l’horaire collectif (et pas seulement en cas de fermeture),
- Meilleure protection des salariés à temps partiel : auront droit au mécanisme de la rémunération mensuelle minimale et à l’allocation complémentaire à laquelle elle donne droit (objectif : leur garantir le SMIC net rapporté à leur contractuelle durée du travail),
- Adaptation du régime social des indemnités d’activité partielle en vue de simplifier la mise en œuvre du dispositif (1),
- Réduction du reste à charge versé par l’employeur (décret à venir),
- Réduction de la perte de revenus pour les indépendants,
- Faciliter la mise en place de formations pendant la baisse d’activité pour préparer la reprise ou adapter la mise en œuvre de ce dispositif.
Congés payés et RTT :
- Via un accord d’entreprise ou de branche, autoriser l’employeur à imposer la prise de congés payés ou à modifier les dates de prise des congés payés, dans la limite de 6 jours ouvrables.
- Possibilité pour l’employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement (donc sans accord d’entreprise) les dates des jours de réduction du temps de travail (RTT), des jours de repos des salariés en convention de forfait et des jours de repos affectés sur le compte épargne temps (CET).
Durée du travail et repos :
- Permettre aux entreprises des secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la nation ou à la continuité de la vie économique et sociale de déroger aux règles d’ordre public et aux règles conventionnelles sur la durée du travail, le repos hebdomadaire et le repos dominical (secteurs de l’alimentation ou de la production de matériel médical).
- Dérogations à fixer par des arrêtés adaptés à chaque situation sectorielle, en restant dans les limites de durée du travail fixées par le droit européen.
Épargne salariale et prime exceptionnelle de pouvoir d’achat :
- Modification, à titre exceptionnel, des dates limites et des modalités de versement de l’intéressement et de la participation.
- Modification de la date limite et des conditions de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA). La condition de mise en place d’un accord d’intéressement pourrait être levée ou assouplie et la date limite du 30 juin 2020 repoussée.
Santé au travail :
- Aménagement des modalités d’exercice des missions des services de santé au travail, notamment du suivi de l’état de santé des salariés.
- Fixer les règles de suivi de l’état de santé des salariés qui n’ont pas pu bénéficier du suivi habituel, en raison de l’épidémie (une instruction de la DGT du 17 mars 2020 prévoit la possibilité pour le médecin du travail de reporter toutes les visites médicales, sauf si elles sont indispensables).
Arrêt maladie :
- Suppression du délai de carence de versement des IJSS pour tous les arrêts de travail durant la période d’état d’urgence sanitaire.
- Modification des conditions et modalités d’attribution de l’indemnité maladie complémentaire de l’employeur, pour élargir le champ des salariés éligibles. Par exemple, supprimer l’obligation de fournir dans les 48 h un certificat médical attestant de l’incapacité pour les parents contraints de garder leurs enfants à domicile.
Comité social et économique (CSE):
- Suspension des processus électoraux en cours. Il s’agirait d’une faculté ouverte à l’employeur, et non d’une interdiction d’organiser les élections.
- Modification des modalités d’information et de consultation, pour permettre aux élus de rendre les avis requis dans les délais impartis. Il s’agirait de faciliter le recours à la visioconférence pour la consultation du CSE, en levant la limite de 3 réunions par an.
Procédures collectives :
- Modification du droit des procédures collectives et des entreprises en difficulté afin de prendre en compte les conséquences de la crise sanitaire pour les entreprises.
Assistantes maternelles :
- Pour répondre aux fermetures de crèches, extension à titre exceptionnel et temporaire du nombre d’enfants pouvant être accueillis simultanément (jusqu’à 6 enfants selon l’exposé des motifs).
(1) Il s’agit de simplifier le régime social et CSG/CRDS sur les indemnités d’activité partielle mais également le régime social des indemnités d’activité partielle « complémentaires » parfois versées par les employeurs (exemple CCN SYNTEC) ou de manière volontaire par un employeur voulant maintenir le salaire pendant l’activité partielle.
Auteur : Bruno DIFFAZA – Directeur du Département Social d’Orial