Ordonnance n°2020-385 du 1er avril 2020 et prime exceptionnelle de pouvoir d’achat
Certainement la plus brève, l’ordonnance n° 2020-385 du 1er avril 2020 modifiant la date limite et les conditions de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat dans sa version 2019- 2020 (PEPA II) vient d’être publiée.
Publiée au Journal Officiel du 2 avril 2020, elle ne pourra éventuellement être mise en œuvre qu’à compter des paies d’avril.
Selon l’ordonnance, cette prime qui pourra être versée jusqu’au 31 août 2020 (alors qu’initialement elle devait être versée jusqu’au 30 juin 2020), peut prendre en compte les conditions de travail durant l’épidémie pour récompenser « les salariés au front ».
Deux principales nouveautés : son plafond d’exonération passe à 2 000 € en présence d’un accord d’intéressement et au plus 1 000 € mais sans accord d’intéressement.
Rappel / Mise en place de la prime
Il est utile de rappeler avant toute chose que la mise en place de la PEPA est facultative.
S’il souhaite la mettre en place, l’employeur peut soit conclure un accord de groupe ou d’entreprise selon les modalités prévues en matière d’intéressement (signé avec un délégué syndical, un salarié mandaté, le CSE ou ratifié par les 2/3 du personnel), soit procéder par une décision unilatérale, sans qu’il n’y ait de priorité entre les deux modalités.
Dans tous les cas de figure il faudra nécessairement passer par la rédaction d’un de ces documents avec les formalités liées.
Salariés éligibles
La prime bénéficie aux salariés liés à l’entreprise par un contrat de travail, aux intérimaires mis à disposition de l’entreprise utilisatrice ou aux agents publics relevant de l’établissement public à la date de versement de cette prime (loi 2019-1446 du 24 décembre 2019, art. 7, II, 1) ou, nouveauté de l’ordonnance, à la date de dépôt de l’accord ou de la signature de la décision unilatérale mettant en place la prime.
Quitte à se répéter il est donc obligatoire d’avoir soit un accord collectif soit une décision unilatérale.
Sans aucun changement, la prime n’est exonérée des cotisations sociales et d’impôt que pour les salariés ayant perçu sur les 12 mois précédant son versement une rémunération inférieure à 3 fois le SMIC annuel, calculé en fonction de la durée du travail prévue au contrat (à proratiser en cas de temps partiel ou pour les salariés qui ne sont pas employés sur toute la période).
Nouveau critère de modulation : les conditions de travail liées à l’épidémie
Initialement, le montant de la prime pouvait être modulé entre les salariés en fonction de différents critères : rémunération, classification, durée contractuelle du travail en cas de temps partiel, présence effective sur l’année écoulée (avec assimilation à une durée de présence effective de certains congés comme le congé de maternité, de paternité, le congé parental, etc.).
La principale nouveauté est l’arrivée d’un nouveau critère de modulation : les conditions de travail liées à l’épidémie de coronavirus (COVID-19).
Ce critère est à manier avec précaution.
La ministre du Travail indique que cela permettra de récompenser « les salariés qui sont au front », comme les « hôtes et hôtesses de caisse, les livreurs, les manutentionnaires, les salariés de l’agroalimentaire de l’agriculture » notamment.
Cette approche, à notre sens, ne permet pas à l’employeur de réserver le versement de la prime exceptionnelle aux seuls salariés ayant eu des conditions de travail particulières durant la période de l’épidémie.
Deux plafonds d’exonération : 1 000 € et 2 000 €
Initialement, pour bénéficier des exonérations sociales (cotisations, CSG/CRDS) et d’impôt sur le revenu dans la limite de 1 000 €, la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA) de l’année 2020 devait être versée dans une entreprise couverte par un accord d’intéressement.
Cette condition est supprimée par l’ordonnance. Ainsi, même sans accord d’intéressement, tout employeur pourra verser une prime exonérée dans la limite de 1 000 €. En cas de prime d’un montant supérieur, la fraction excédentaire sera soumise à cotisations et contributions sociales et imposable.
L’ordonnance va plus loin si l’entreprise met en œuvre un accord d’intéressement à la date de versement de la prime : dans ce cas, cette dernière pourra être exonérée des cotisations et contributions sociales et d’impôt sur le revenu jusqu’à un montant de 2 000 €.
En pratique, il existe au moins 4 cas de figure peuvent se présenter :
- L’entreprise est couverte par un accord d’intéressement et a déjà versé une prime exceptionnelle en 2020 : elle pourra verser une deuxième prime et le plafond d’exonération de 2 000 € s’apprécie en cumulant les montants des deux primes ;
- L’entreprise est couverte par un accord d’intéressement mais n’a pas versé de prime exceptionnelle en 2020 : elle peut verser une prime exonérée dans la limite de 2 000 € ;
- L’entreprise, non couverte, conclut un accord d’intéressement d’ici le 31 août 2020 (à titre dérogatoire, les accords d’intéressement conclus entre le 1er janvier 2020 et le 31 août 2020 pourront porter sur une durée comprise entre 1 an et 3 ans, au lieu des 3 ans de principe) : elle peut verser une prime exonérée dans la limite de 2 000 €.
- L’entreprise non couverte par un accord d’intéressement : elle pourra verser une prime limitée à 1 000 €
En conclusion, les entreprises qui le souhaitent ont jusqu’au 31 août 2020 pour se doter d’un accord d’intéressement (dont la durée peut être comprise entre 1 an et 3 ans) si elles entendent mettre en place et verser une prime exonérée allant jusqu’à 2 000 €.
Sinon, sans accord d’intéressement, elles pourront mettre en place par accord collectif ou décision unilatérale et verser jusqu’au 31 août 2020 une prime exonérée dans la limite de 1 000 €.
Tout ceci bien évidemment en respectant les conditions légales évoquées.
Auteur : Bruno DIFFAZA – Directeur du Département Social d’Orial